AAPEL
Interview de M. kelly Anderson, de l'association bpd411 accordée le 18 novembre 2002



>Descriptif  diagnostic
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>Q: Pourriez-vous tout d'abord nous parler un peu de vous, de votre travail dans le domaine de la santé mentale et de votre expérience éventuelle dans le traitement de cette maladie ou de la recherche fondamentale ?
Merci de vous adresser à nous au BPD411. Au BPD411, nous ne travaillons pas avec les personnes qui ont ce trouble, nous travaillons plutot avec les autres membres de leur famille et autres proches membres.
Alors qu'il y a beaucoup d'associations concentrées sur les besoins de ceux qui ont ce trouble, il n'y a que quelques groupes, tous en ligne, qui se concentrent sur les besoins des autres membres de la famille. Quand nous pouvons aider les membres de la famille à comprendre le trouble, cela crée souvent une situation où ils arrêtent d'avoir des mauvais comportements avec ceux qui ont le trouble. Cela resulte en une aide reçue par le borderline ou plus habituellement, cela conduit les membres de la famille à recevoir l'aide dont ils ont besoin.

>En quelques mots très simples (pour le public  pas le DSM)
>Q: "Qu'est-ce que le trouble de la personnalité Borderline ou Etat limite ?"
Dans nos esprits, il y a actuellement deux choses appelées trouble de la personnalité borderline. Il y a les patients  fonctionnant mini qui sont hospitalisés, qui se coupent eux mêmes, et qui sont le centre d'intéret principal de beaucoup d'études et de thérapies plus efficaces.

Puis il y a les patients fonctionnant maxi qui pour tout le monde semble normal, ou même plein de bonté (saint). La Princesse Diana est réputée pour être une de ces borderlines fonctionnant maxi comme l'est Martha Stewart. Les borderlines fonctionnant maxi sont rarement hospitalisés, et créent une situation de souffrance insupportable pour leur familles. La raison pour cela est que les familles ne sont pas crues lorsqu'elles disent à leurs amis les souffrances qu'elles endurent. Cela conduit à une plus grande isolation et un sentiment insupportable d'être seul. De plus, comme il est le plus souvent non diagnostiqué, il n'y a pas de support thérapeutique dans la plupart des cas pour les borderlines fonctionnant maxi, ainsi le plus souvent ils ne vont jamais mieux.

Les groupes en ligne ont trouvé une niche pour aider les membres de la famille des borderline fonctionnant maxi. Car c'est en ligne, vous pouvez avoir des validations et partager l'expérience de vivre avec quelqu'un avec des traits du trouble sans le jugement que si souvent subissent ces personnes dans le mondre réel. En ligne, vos amis ne sont pas sujets de campagne de dénigrements qui fait si souvent parti du trouble.

>Q: Qu'est-ce qui le différencie des autres maladies et troubles de la personnalité ?
Il y a beaucoup de réponses "par coeur", mais une des questions qui le différencie est qu'une part du trouble lui-même est le déni de responsabilité. Par conséquent, chaque et tous les problèmes dans la vie du borderline sont de la faute et de la responsabilité de leurs aimés. Cela rend le trouble particulièrement difficile à traiter parce que des mois de thérapie sont nécessaires pour simplement briser le mur du déni qui est le premier aspect qu'il faut gérer dans le traitement de n'importe qui avec ce trouble.

>Q: Beaucoup de specialistes suggerent que le coté “enfant” de l'adulte borderline est incontournable de la maladie ?
>(pensee noir et blanc, tout bon, tout mauvais, aucun juste milieu...)
Une façon de regarder le trouble de la personnalité borderline est de les regarder comme des enfants de deux ans piégés dans un corps d'adulte. Le piqué de colères (caprices), défi d'opposition, pensée noir et blanc et ainsi de suite qui sont normal pour un enfant de deux ans sont dans la personnalité de beaucoup avec des traits borderline.

>Q: De même que les colères inappropriées ?
La Dysphorie (colère soudaine) est partie intégrante du trouble que certains ont suggéré de renommer en honneur de ce trait.

>Q: Comment être sur que c'est bien un trouble borderline et pas une autre maladie mentale ?
>- pas une dépression
>- pas un trouble bipolaire
>- pas un trouble de déficit d'attention
>- pas un syndrome d'asperger (autisme “performant”)
>...
Le BPD est un des troubles les plus difficiles à diagnostiquer. Le masque public est si souvent évoqué avec des interventions thérapeutiques précédentes que le thérapeute se demande qui dans la relation a un problème. Nous faisons l'analogie avec Elmer Fudd et Bugs Bunny. Elmer est rendu si dingue par Bugs que nous sommes conduits à croire qu'il est lui même le fou, alors que l'auditeur sait que c'est Bugs qui crée le chaos.

Une autre chose qui interfere (au moins aux Etats Unis) avec le diagnostic de BPD est que beaucoup de compagnies d'assurance ne payent pas pour le traitement. C'est parce que les compagnies croient (à tort ou à raison) que le BPD n'est pas traitable. La croyance pénetrante croie que le BPD n'est pas traitable peut aussi interférer avec le traitement du patient si ils sont au courant que c'est leur diagnostic. Après tout, pourquoi essayer si ce que vous avez n'est pas curable? Par conséquent, beaucoup de thérapeutes feront un faux diagnostic à la fois pour des raisons thérapeutiques que pour les assurances.

>Q: L’imagerie médicale peut-elle permettre de détecter une anomalie pour cette maladie?
(question non posée)

>Lorsque l'on est dans l'entourage d'une personne potentiellement borderline.
>Q: Quels sont les comportements qui doivent nous alerter et nous dire:
> "la c'est quand même pas normal, il faudrait qu'il ou elle consulte"
Ce n'est pas un incident unique. C'est un modèle comportemental envahissant depuis des années. Chaque personne a des comportements qui peuvent être interprétés comme des comportements borderline dans une certaine mesure. La difficulté dans la gestion du borderline, particulierment dans une relation principale est que ces comportements sont fréquents et envahissants.

>Q: A quel age peut-on commencer à voir les signes de la maladie et s'en préoccuper ?
Il est largement cru que le trouble de la personnalité Borderline est souvent causé par des mauvais traitements sur des très jeunes enfants (avant l'age de deux ans). Néanmoins, le BPD n'est pas diagnostiqué avant que le patient entre dans l'age adulte. Ainsi, si les graines du BPD sont présents tout au long de l'enfance et les années d'adolescence, alors comment ces patients sortent du système de santé mental?  La réponse est que souvent ils sont classifiés comme RAD (Trouble d'attachement Reactionnel) parfois avec un deuxième diagnostic d'ADD ou ADHD. Un jour, nous esperons que ces troubles seront mieux compris...

>Les personnes qui ont ce trouble en "ont l'habitude", elles "vivent avec" depuis toujours et c'est "leur nature".
>Q: pourquoi dans ce cas ne pas "les laisser tranquille" et les laisser continuer à vivre leur vie plutot que chercher à les soigner ?
C'est souvent la solution raisonnable pour ceux dans la vie du borderline. La danse de codépendance du borderline et du non borderline est souvent très empêtrée, ainsi il est très difficile pour le non bpd  de voir leur part dans la disfonction.

>Justement à propos de cette maladie
>Q: "peut-on en guérir ?"
DBT (Dialectical Behavioral Therapy) est aujourd'hui le traitement disponible le plus prometteur, mais il est principalement accès vers la population des borderlines fonctionnant mini. Le traitement des borderlines fonctionnant maxi demeure en grande partie intraitable. Certains succès limités ont été obtenus grace à l'application de technique de NLP (Neuro Linguistic Programming) .

>Traitement:
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>Q: Le recours aux médicaments (au moins durant un temps) est-il indispensable ou une simple thérapie peut suffire ?
Les médicaments peuvent aider avec les problèmes secondaires comme la depression, mais notre experience est que les drogues ne sont pas terriblement utiles pour attaquer le BPD.

>Q: même question mais que la médication sans la thérapie
Absolument inefficace

>Q: cela signifie t'il que seul un médecin psychiatre thérapeute est à même de guérir un patient borderline et pas uniquement un thérapeute non médecin ?
Non

>Q: Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (5-OH-tryptamine) sont-ils efficaces dans le traitement de cette maladie ? (de nombreux patients parlent de celui comme d'une drogue miracle)
(question non posée)

>Q: Certaines molécules sont-elles plus efficaces que d’autres et qu’est-ce qui les différencie?
>FLUOXETINE, PAROXETINE CHLORHYDRATE, CITALOPRAM BROMHYDRATE, FLUVOXAMINE MALEATE, SERTRALINE CHLORHYDRATE
(question non posée)

>Existence “réelle” de la maladie
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>Q: Le terme “Borderline” ou “Etat limite” est-il adapté, cela sous-entend “pas vraiment”?
non

>D’ailleurs certaines personnes, et même des psychiatres affirment que "nous sommes tous borderline", qu'en clair cette maladie n'existe pas
>Q: quelle est votre opinion à ce sujet ?
Ils devraient essayer de vivre avec une de ces personnes. C'est un vrai trouble avec des victimes bien réelles. Aussi bien ceux qui ont le trouble que ceux autour d'eux. En fait, parce que chaque personne avec ce trouble affectent leur conjoint, enfants et potentiellement les autres, il y a plus de personnes qui souffrent à proximité que ceux qui souffrent directement de ce trouble.

>Au regard de ma question précédente, je répondrais non mais je pose la question
>Q: N'importe quel psychiatre dispose t’il de la formation et de l'expérience pour soigner un patient borderline ?
Si vous voulez dire que la plupart des professionnels de santé mentale peuvent traiter ceux qui ont des traits borderline alors la réponse est certainement non. Beaucoup de professionnels de soins en fait évitent de s'engager avec des patients borderline. Beaucoup de ceux qui le feront limiteront leur pratique du borderline à deux patients ou moins parce qu'ils ont un énorme impact sur la vie personnelle du thérapeute. Dans les thérapies DBT, par exemple, le thérapeute a un deuxième thérapeute pour l'empecher de tomber dans le monde désorienté du borderline.

>Q: Pensez-vous qu'il y ait carences en ce domaine à l'heure actuelle en France ?
Bien sur. Plus de formation doit être faite. Particulierement avec respect de la dynamique familiale.
Le traitement est la plupart du temps jamais proposé aux autres membres de la famille.

>D'ailleurs, en France, la maladie mentale est encore plus tabou que le cancer il y a quelques années
>Dans l'esprit, quiconque va consulter un psychiatre est "un fou"
>Q: qu'avez-vous à dire à ce sujet ?
C'était le cas en amérique. Ce n'est plus autant le cas. Peutêtre que la France a à apprendre dans ce domaine.

>A ce sujet on associe souvent la notion de guérison à celle de la volonté
>"Tu veux bien arrêter de te regarder le nombril et te prendre en charge !"
>une espèce de "si tu veux, tu peux"
>Q: quelle est votre opinion ?
Cela renvoie à la notion de déni qui est une part très importante pour comprendre le trouble.

>Q: Que pensez-vous donc de l'idée de la création de l'association AAPEL pour aider à faire connaître cette maladie auprès du public et aider les malades ?
Cela a été fait aux Etats Unis. Cela a été fait sur Internet. C'est une bonne chose

>Q: Quel est votre point de vue sur la notion éthique "d'obligation de diagnostic" (je dis bien diagnostic et non soin) sachant qu'il existe en France et dans le monde des milliers de malades Borderline qui ne savent même pas qu'ils le sont, qui pensent que c'est leur "nature" de souffrir
Je n'ai pas d'opinion à ce sujet

>(Dans le cas où vous penseriez que ce n'est pas une bonne  idée)
>Q: Ne pensez-vous pas qu'il existe alors un risque important pour les patients borderline de penser:
>"Je souffre, je sais mais je suis la seule comme cela, c'est ma nature" et non de se dire "je ne suis pas seule dans ce cas, je suis seulement malade" ?
(question non posée)

>Question sans réponse je suppose
>Q: "comment convaincre un malade de consulter un spécialiste ?"
Il y a un livre qui aborde le sujet:
"je ne suis Pas Malade: Je n'ai pas besoin d'aide: Helping the Severely Mentally Ill Seek Treatment "
Xavier Amador
ISBN: 0967718902

>“La campagne de dénigrement”. Le fait que le malade accuse le non-malade celui “qui a vu” d'être lui-même un malade
>Q: est-ce une donnée commune ?
Oui vraiment. Nous avons plus d'informations à ce sujet sur notre site web à:
http://www.bpd411.org/distortioncampaign.html

>Q: comment réagir face à cela ?
Le NonBP peut obtenir sa santé personnelle en
        A) Créant un plan de sureté,
        B) Créant une distance emotionnelle,
        C) Mettant en place et en faisant respecter des limites raisonnables,
        D) Rejoignan un groupe de soutien en ligne comme une mailing list,
        E) Etablissant d'une poigne ferme sur leur vue de la réalité pour contrebalancer l'effet "oz" d'être avec une borderline,
        F) Travaillant sur des techniques de communication qui désarment comme le Judo Verbal,
et si possible en travaillant sur sa propre estime personnelle dans un cadre thérapeutique. Un bon livre sur ces sujets est:
Stop Walking On Eggshells : Coping When Someone You Care about Has Borderline Personality
Disorder
de Paul T. Mason, M.S. et Randi Kreger
ISBN: 157224108X

Il y a aussi des réponses légales qui peuvent être abordées. Celle-ci sont expliquées dans ce livre:
Love and Loathing : Protecting Your Mental Health and Legal Rights When Your Partner has
Borderline Personality Disorder
par Randi Kreger et Kim A. Williams, et al.

>Le borderline semble avoir un esprit émotionnel d'enfant
>Q: Est-il "raisonnable" de demander à un "pseudo enfant" de prendre une telle décision ?
>(consulter ou pas, se soigner ou pas)
Malheureusement, aux USA, la santé mentale de l'individu est dans les mains de l'individu.
Ainsi nous avons des personnes sans abri avec des troubles très sérieux de type Axis I. De la même façon, cela rend difficille de fournir au borderlines l'aide dont ils ont besoin. Cela ne veut pas dire que la réponse est de revenir à une institutionalisation forcée, comme beaucoup de NonBPs finissent par devenir forcés par leur "autre signifiquant borderline" dans des centres de soins dues à la projection qui fait partie du trouble.

>Q: Cela n'est-il pas totalement utopique d’attendre qu’il se prenne seul en charge et même cruel ?
Je ne suis pas certain de la question, mais il est clair qu'il y a des problèmes sociaux significatifs autour du trouble.

>Q: Quelle est votre expérience à ce sujet ?
>Comment les malades viennent à vous ?
De nouveau, nous intervenons principalement chez les NonBP. Ils viennent à nous volontier, chercher des réponses au chao de leur vie. Dans la pratique thérapeutique, c'est souvent le NonBP qui en premier recherche un traitement, et leur partenaire y vient plus tard.

>Origine de la maladie
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>L'origine de la maladie semble être très complexe dans le cadre du trouble borderline, mais il ressortirait que des traumatismes durant l'enfance sont à l'origine de celle-ci
>Q: Qu'en pensez-vous ?
Ce n'est pas la seule raison, mais cela est clairement un facteur majeur. Nous pensons qu'il y a à la fois des composantes innées et acquises dans le trouble. Certaines chimies du cerveau peuvent rendre une personne plus susceptible de devenir complètement borderline. Cela peut être similaire à l'alcoolisme, dans lequel il y a des composantes génétiques, mais dans lequel il y a des déclencheurs environnementaux nécessaires pour mettre en place le trouble. Beaucoup de recherches dans ce domaine l'indiquent clairement.

>Q: Des crises d’épilepsie durant l’enfance peuvent-elles selon vous provoquer la maladie comme le pense certains chercheurs?
(question non posée)

>Q: Inversement la maladie peut-elle provoquer des crises d’épilepsie?
(question non posée)

>Q: Cette maladie aurait de plus des origines génétiques et bio-chimiques, qu’en pensez-vous?
(question non posée)

>La famille peut être d'une grande aide pour soutenir tout malade.
>Mais dans le cas où un des parents a une part de "responsabilité" (non consciente) dans la maladie de son propre enfant,
>Q : Comment peut-il être “envisageable” pour ce parent d'ouvrir les yeux sur la réalité de la situation ?
Beaucoup de parents font face. La plupart des parents avec lesquels nous avons été impliqués n'ont pas fait subir de mauvais traitements ou négligé leur enfant, il est donc clair que beaucoup de borderlines developpent la maladie pour d'autres raisons.
Il doit aussi être noté que les enfants de borderlines ont une fréquence trois ou quatre fois plus élevée d'avoir eux même ce trouble.

>Il semblerait que la maladie mentale en générale se transmette de parents à enfants comme un enfant d'un père alcoolique deviendrait lui-même alcoolique à l'age adulte
>Q: Qu'en est-il selon vous ?
Précisement

>Q: Cela en est-il de même dans le trouble borderline ?
>La mère borderline va t'elle rendre sa fille borderline, qui elle-même devenue adulte rendra borderline ses propres enfants ?
Nous avons de fortes preuves qu'il en est ainsi.

>Q: Comment briser ce cycle infernal ?
Adoption ?

>Dernières questions
>Q: Quelle question auriez-vous voulu que je vous pose et que je n'ai pas posé ?
Peut-etre quel site web recommanderiez vous à un membre de la famulle d'une personne borderline? A laquelle la réponse serait http://www.bpd411.org.

>Q:Le mot de la fin doit-il être "espoir" ?
Nous pensons qu'il y a une grande marge d'espoir pour les NonBP. Pour les borderline eux-mêmes, particuliement ceux fonctionnant maxi, le pronostique est plus sombre.

>Merci de votre collaboration et de votre soutien
 

Réponses gracieusement fournies par M Kelly Anderson de l'association bdp411

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