Le trouble de la personnalité borderline état limite et le suicide impulsif.


(suicide impulsif...oui mais plutot après longue réflexion).


Préambule de l'AAPEL


Extrait de "Le père noel est une ordure"


Anecdote de F.


Préambule de F. sur ses "flirts" avec le suicide.


Questions posées à F. sur son vécu du suicide.


Questions posées à A. sur son vécu du suicide et une triste réalité de certains services psychiatriques.


Conclusion,de l'AAPEL.



Préambule de l'AAPEL

Le trouble borderline est un trouble de l'émotion. Nous n’avons pas le droit de ne pas aborder le problème du suicide des personnes souffrant de cette maladie.
 
Mais même si toutes n’ont pas cela en tête, même si toutes ne passent pas à l’acte, il en reste vraiment beaucoup trop qui vont au bout du processus et qui " réussissent " ou deviennent handicapées à vie.

Mise en garde, ces textes sont très pénibles, particulièrement la vérité de celui de A.


Extrait : " Le père noël est une ordure " - Scène 1

(Un désespéré rentre dans une cabine publique de téléphone, il a un revolver à la main, il a du mal à faire un numéro de téléphone, un numéro qui n'en finit plus (quinze-vingt chiffres), ça sonne, on décroche à l'autre bout.)
THÉRÈSE. Allô, Allô.
(Il parle en hoquetant, le revolver sur la tempe.)
L'HOMME. Allô... Détresse-Amitié ?
THÉRÈSE. Allô... Allô... Je ne vous entends pas...
L'HOMME. Je suis au bout du rouleau, qu'est-ce que je dois faire ?
THÉRÈSE. Je ne vous entends pas, appuyez sur le bouton.
(L'homme appuie sur la gâchette et tombe mort.)
(Noir.).

Voilà, cette scène aurait pu être la scène d’un documentaire avec une personne souffrant d’un trouble de la personnalité Borderline état limite.
Elle m’est revenue à l’esprit quand F., qui a eu la gentillesse de répondre au questionnaire suivant, m’a cité cette " anecdote " de sa vie


Anecdote de F. que voici :

" Une fois ma mère est rentrée dans ma chambre et m'a fait croire que je devais redoubler ma terminale, j'ai alors failli me jeter par la fenêtre, j'allais le faire je vous jure quand elle est re-rentré dans ma chambre et m'a dit que ce n'était pas vrai. Si ma mère était revenue ne serait-ce que 30 secondes plus tard, elle n’aurait jamais pu me le dire et je ne serais pas aujourd’hui à vous raconter cette histoire. Donc sans le moindre doute je peux vous dire que l’on peut vraiment faire ça brutalement. Il y a des phrases qui peuvent se révéler très dangereuses quand on nous parle" - F.

Trouverez-vous donc " bizarre " que cette scène du père noël est une ordure qui hier me faisait rire ne me fait plus rire du tout car en fait elle n'est pas totalement exagérée comme je le pensais, elle est hélas le reflet d'une réalité.


Préambule, témoignage de F. qui nous parle de ses " flirts " avec le suicide mais aussi d'un de ses amis, C., qui lui ne peut plus en parler

" Pour moi c'est le passé puisque depuis l'age de 23 ans je n'ai plus (ou de manière très fugitive) d'idées suicidaires.
Je crois que pendant au moins deux trois ans, je dirais de 18 à 21 ans, le suicide était quand même omniprésent, j'y pensais très souvent, j'avais quand même très souvent envie de mourir, de crever, et je pensais très souvent au moyen le mieux, je me rappelle en 1993 pour le suicide de Pierre Bérégovoy, beaucoup de médecins disaient que s'il n'était pas mort sur le coup, c'est parce qu'il avait appuyé sur la tempe, alors qu'il vaut mieux le faire ou dans la bouche, ou sous le menton, ou sur le front, il y a moins de risques de se "rater", j'y ai pensé pendant un moment, mais la bouche ça me terrifiait, alors je me suis dit que le mieux c'était de faire comme lui mais dans un bain, comme ça même si on n'est que dans le coma, on se noie quand même !

Je peux vous dire que j'avais parlé d'un projet de suicide à ma plus proche amie, je lui avais dit que ça serait marrant si on allait toutes les deux se pendre sur ma balançoire, j'y pensais sérieusement en plus. Elle aussi elle était bizarre d'ailleurs, elle était toujours seule, sans amis, elle avait l'air de n'éprouver aucun sentiment.

Je parlais aussi à d'autres, en posant des questions du genre "une balle dans la tète, tu crois que ça fait mal ?" "La pendaison, ça dure combien de temps ?"
Donc j'avais des projets que certains connaissaient plus ou moins, même s'ils croyaient que je "déco...is" (drôle de manière de "rigoler" quand même !)


Ensuite, j'avais très peur de l'échec, et je me souviens que je me disais à chaque début d'année "bon, si je rate cette année, je me suiciderai", et encore maintenant, je me dis des fois "si je perds tout, mes enfants, mon boulot, mari etc.. je me suiciderai"

Je crois que c'est ça, car actuellement je ne le ferais plus pour des choses aussi stupides ! Pour des choses vraiment très graves peut-être, mais pour un échec non. Je crois que j'étais très fragile, je ne voulais pas vivre, alors le moindre truc, c'est la goutte d'eau, le vase déborde et voila, on essaie de partir.

J'avais un copain de fac, C., qui à mon avis maintenant était borderline (instabilité affective, angoisse, envies suicidaires) et lui a réussi son suicide hélas après deux tentatives. A chaque fois c'était à la suite d'une rupture, la fille lui a annoncé qu'elle le quittait et il a essayé de se tuer.
Sa famille ne s'est pas plus inquiété que ça, je crois qu'ils le prenait pour un garçon fantasque, rêveur et romantique.
Malheureusement, la 3e a été la bonne, de nouveau une fille lui annonce qu'elle le quitte, mais la il avait le fusil de chasse de son oncle sous la main, il s'est tiré une balle dans la tête et il est mort. Trois fois, c'était de l'impulsif, même si ce gars était souvent très triste et mélancolique et avait des idées noires.
A l'époque bien sur je ne savais pas qu'il était borderline (je ne le savais pas pour moi !) mais je le comprenais, j'avais senti toute la profondeur de sa tristesse qu'il cachait derrière une gaieté et une conversation pleine d'humour. Je n'ai jamais osé lui dire que je l'avais compris puisque j'étais comme lui, je regrette mais je ne savais pas non plus pour moi.


Mais voilà, une rupture, et il se tue, mais ce n'est pas cette fille qui l'a tué, elle a servi de détonateur. Un vrai gâchis, il avait 23 ans.

Pour en revenir au suicide par impulsion, comme son nom l’indique il est impulsif donc imprévisible.
Par contre, un signe que cela ne va pas fort : je ne supporte rien, j'envoie promener tout le monde, je suis nerveuse et angoissée, ça c'est un facteur de risque à mon avis.

Mais comment reconnaître des signes indiquant que la personne risque de passer réellement à l'acte, la c'est difficile, je crois qu'un changement brutal dans la vie du borderline est un gros facteur de risque, donc une rupture sentimentale, un deuil annoncé brutalement, un licenciement, tout ça serait susceptible de me faire faire une "connerie".

Quant aux envies suicidaires, avec l'age je n'en ai plus guère, mais quand j'étais jeune
je crois que ça se voyait quand je n'allais pas " - F.



Questions posées à F. sur le suicide :

Q : Vous décidez de vous tuer "pour vous" ou à cause du regard des autres sur vous ?
Le suicide n'a rien à voir avec les autres et ce n'est pas pareil que pour les autres conduites auto-agressives. Je me dis la mort peut être une solution si j'en ai vraiment marre et que rien n'a plus de sens dans ma vie, et ça m'a "aidé" à le faire de manière impulsive de penser à tout ça, car actuellement je n'ai plus envie de me suicider et je ne pense pas que je le ferais de manière impulsive sauf bien sur s'il m'arrivait quelque chose de très grave, la peut-être. Mais je sais qu'il y a cette solution, ça peut en être une si un jour je suis toute seule, malheureuse et que j'ai tout perdu. Ca m'aide à vivre de savoir ça.


Q : Est-il nécessaire pour vous d'avoir des substances qui endorment le cerveau, (alcool, drogues, médicaments) ?
Je n'avais pas besoin de l'alcool pour y penser, mais je n'aurais jamais pu le faire froidement, même si j'y pensais, je l'aurais fait "poussée par quelque chose" un échec, la peur, l'angoisse, etc...


Q : Y-a-t-il plusieurs cas de figures différents qui mènent à la TS ?
Si vous regardez toutes vos tentatives ou presque tentatives savez-vous dire qu'elle était la raison principale hormis le fait que c'était LA solution ?
Pour moi actuellement, j'en vois une principale : Si je perds un enfant, la je crois que je me tuerais, ça serait trop dur pour moi.
Si je perds mon boulot, si je perds mon mari, que je suis seule, sans issue pour vivre, je pense que je pourrais le faire aussi.
Si je suis infirme, défigurée, si on m'annonce un cancer, je pourrais aussi en venir la.
Mais pour revenir à mes tentatives passées, dans les 3 cas ou j'en ai fait, c'était pour échapper à une situation d'échec scolaire potentiel, même si après j'ai réussi, j'ai eu des mentions, je ne supportais pas l'idée de rater un partiel et de me prendre un 2 sur 20, ce qui m'est arrivé après avoir raté mes TS, et j'ai eu 18 le coup d'après. C'est la peur de rater un partiel, pour moi c'était le monde qui s'écroulait.


Q: Quand c'est un projet mûrement réfléchi, ce n'est en réalité qu'un jeu d'esprit qui ne mènera jamais à l'acte ou pas ?
Si, un projet réfléchi pourrait mener à l'acte bien sur, mais il faudrait que mon humeur soit stable dans la tristesse pendant assez longtemps, chose qui ne m'est jamais arrivé quand j'y pensais sérieusement, même si plus d'une fois j'étais au bord de le faire par pendaison, je me suis serré plus d'une fois le cou avec un lien pour voir si ça faisait mal, j'avais quand même réfléchi au meilleur moyen de le faire, la pendaison me faisait un peu peur, j'avais fini par me dire que le meilleur moyen c'était une balle dans le tète, mais je n'avais pas d'arme.
J'aurais pu le faire oui oui, mais mon humeur était très instable, j'avais envie d'y passer à 10h, j'en pleurais même, et puis à 12h je pensais à autre chose, à 18h de nouveau j'y pensais, et puis de nouveau mon état changeait. J'aurais pu mourir à cet age, ça ne s'est pas fait, j'ai eu de la chance ou peut-être de la malchance mais je suis encore la !


Q : Dans votre esprit le passage à l'acte du suicide ne peut donc qu'être impulsif ?
(Il est par exemple inenvisageable de planifier votre mort, de dire que dans 2 semaines vous allez mourir de cette façon, préparé à la seconde, ...? )
J'ai planifié ma mort plus d'une fois, mais au jour dit, je n'avais plus envie, puisque je n'étais pas dans un état de tristesse. Je vous dis, on est totalement instable dans notre tète, donc à mon avis un borderline court plus de risques de se tuer impulsivement que préparé à l'avance( même s'il a pensé au suicide avant, et très souvent). A mon avis le risque est plus élevé, et c'est ce qui est grave d'ailleurs, car comment le prévoir ?


Q: Avez-vous à ce moment la, au moment de l'acte ou presque acte, en tête la notion de fin de la vie définitive au moment de ce projet impulsif ? (ou pas)
Pas trop non, c'est très flou, de toute façon pour moi la mort est un concept flou, deux mois après la mort de ma grand-mère j'avais encore des réflexes de l'appeler au téléphone. Non quand je pense à me tuer ou que j'ai essayé, c'est pour fuir une souffrance intolérable ou une situation que je ne peux pas assumer, c'est tout, sans notion de fin de vie. Quand j'y pensais la oui, j'avais un peu plus la notion, même si ça restait très flou.


Q : Plus précisément sur le suicide, au moment où l'acte est quasi présent, le suicide apparaît comme LA solution ?
9 ans que cela ne m'arrive plus, mais à l'époque (18 20 ans) ça m'apparaissait comme une solution possible pour sortir de cette vie, je me disais "si vraiment je n'en peux plus, il reste toujours cette solution". Quand je faisais ça impulsivement, c'était plutôt pour échapper à une situation, j'avais peu conscience de l'irrémediabilité de mon acte, c'était flou et vague.


Q: Le suicide est-il la pour se donner la mort ou pour un autre but, exemple cesser de souffrir
Lorsque j'y pensais, que je ruminais mes idées noires, c'était plutôt pour la mort, surtout pour partir de cette vie qui me faisait souffrir et qui était vide, sans but, par contre quand c'était impulsif c'était pour fuir... fuir une situation que je ne pouvais pas assumer, l'échec, j'avais peur des conséquences que je voyais intolérables, alors je fuyais.

Il y a une image qui me frappe et qui me fait penser à mon état d'esprit quand j'ai fait ces TS :
Les gens sautant dans le vide du World Trade Center. Selon moi, ces gens ne voulaient pas vraiment mourir en faisant ça, ils s'échappaient de cette tour, de cette situation abominable, ils avaient peur, alors ils ont sauté, pour fuir, même si bien sur en sautant ils sont morts, ils n'avaient pas conscience de se suicider à mon avis, ils fuyaient, c'est tout, je crois que moi c'était pareil, même si bien sur ma comparaison est horrible, ce qu'ils ont vécu est bien pire que moi.


Epilogue
Q : J'ai le sentiment que si l'on se donne la mort de manière froide, réfléchie, planifiée, on interdit à son cerveau primitif de mettre en route ses mécanismes d'autodéfense, d'instinct de survie et donc on peut passer à l'acte. Mais par contre que si l'on est bien réveillé, pas sous alcool, médicaments ou drogue, si l'on tente un acte impulsif de suicide alors l'instinct de survie se met en route. Visiblement chez vous ce n'est pas le cas, qu'en pensez-vous ?


Effectivement, il n'y a pas de réflexe de survie chez moi, c'est ce qui me fait peur, de savoir qu'à tout moment on peut faire n'importe quoi et qu'on peut le regretter après, en une seconde on peut faire l'irréparable (sur soi-même ou sur les autres)

"A C. et tous les autres comme lui..."

Avec l'aimable collaboration de F.


Questions posées à A. sur le suicide :

Q : Vous décidez de vous tuer "pour vous" ou à cause du regard des autres sur vous ?
Le regard des autres est une de mes préoccupations majeures : c'est pourquoi j'ai fabriqué une deuxième personnalité sociale aux caractéristiques acceptables par la société. Cette personnalité m'évite généralement de subir les jugements des autres, me met aussi à l'abri des critiques (fondées quelques fois par ailleurs ) qui me font souffrir.
Lorsque cette personnalité ne suffit plus et que le sentiment de rejet ou d'inadaptation est trop fort, j'utilise d'autres mécanismes de défense comme l'automutilation ou la boulimie pour me permettre d'évacuer "en secret" sans montrer l'intensité de ma réaction, que je sais être anormale et disproportionnée.
J'ai construit tous ces systèmes de protection au fil des crises, essayant de m'adapter malgré mon trouble.
Le désir de mort, par contre, est un sentiment que je porte en moi depuis l'enfance. Mes premières idéations suicidaires sont apparues assez tôt, vers l'âge de 10 ans. Je connaissais déjà l'avenir auquel j'étais destinée par l'exemple de mon père : travailler d'arrache-pied la majeure partie de sa vie pour finir vieux et malade, méprisé et fatigué. Il me revient d'ailleurs en mémoire une phrase que mon père m'a dite lors de ma dépression : "Si aujourd'hui j'avais la possibilité de tout recommencer (me marier, fonder une famille, travailler pour la nourrir), je ne le referais pas". Tout provient donc de la conviction que j’avais qu'il vaut mieux choisir la mort à une vie sans plaisir. Cela était pour moi une évidence lumineuse : j'allais faire de mon mieux pour m'intégrer comme mes parents à la société, mais je décidai de ne pas reproduire les mêmes erreurs en cas d'échec.


Q : Est-il nécessaire pour vous d'avoir des substances qui endorment le cerveau, (alcool, drogues, médicaments) ?
Non. Lorsque je passe à l'acte, je suis déterminée, et dans une sorte d'état second : complètement dissociée. Je dirai même dans une transe très spéciale où je ne laisse plus place au doute. Dans ces moments-là, je deviens totalement hermétique à toute logique, centrée uniquement sur mon but, sourde à toute tentative de me dissuader. En cas d'intervention extérieure à ce moment précis, le désespoir de devoir à nouveau affronter ma souffrance me fait entrer dans une colère aveugle et destructrice, frappant les secouristes, me cognant la tête contre les murs, me lacérant le corps avec tout ce qui me tombe sous la main. Je deviens alors encore plus dangereuse pour les autres et pour moi-même que pendant la dissociation. On peut, je pense, parler de perte de réalité, d'un état probablement très proche de la psychose. C’est comme un barrage émotionnel qui cède dévastant tout sur son passage.


Q : Donc vous avez besoin d'une substance que j'appellerais "dissociation"? L'A. "principale" "consciente" ne pourrait pas mettre fin à ses jours?
Personne ne peut consciemment mettre fin à ses jours. Non pas par peur de la mort, mais par peur de la souffrance : les nausées abominables des surdoses, les lavages d'estomac, le respirateur artificiel... Si vous pensez à tout cela, vous ne pouvez pas passer à l'acte.
Il faut aussi penser à l'égoïsme de cet acte : quiconque pense à la douleur des proches ne peut sauter le pas.
Enfin, ceci est majoré par la peur de se rater et de rester paralysé à vie... L'intubation m'a abîmé une corde vocale, et j'ai bien cru rester aphone. J'ai manqué de peu la greffe du foie, et j'ai failli perdre mes deux reins. Je vous assure que c'est plutôt cela qui fait réfléchir.
Donc pour passer à l’acte, soit vous vous droguez, soit vous vous dissociez.
Cela dit, pour moi, cela ne remet pas en cause la véracité du désir de mort. Simplement, se suicider n'est pas un comportement présent dans nos gênes. Il faut donc se déconnecter de sa nature "animale" et passer outre l'instinct de survie.


Q : Y-a-t-il plusieurs cas de figures différents qui mènent à la TS ?
Paradoxalement, je dirai que la TS mène à la TS, comme une sorte de drogue. Une fois que l'idée vous trotte dans la tête ou que vous faites une première tentative, la possibilité de repasser à l'acte ne quitte plus votre cerveau.
A partir du jour de ma première tentative, je me suis sentie emplie d'un désir de mort démultiplié. De plus, j'étais sous très fort traitement et subissais des effets secondaires terribles, incapable de lire ou d'écrire, enfermée dans des hôpitaux vétustes parmi des malades hurlant jour et nuit. Je n'avais clairement plus d'avenir… Chaque échec me renforçait dans ma volonté de réussir.
Pendant un an, j'ai pensé jour et nuit aux divers moyens de mettre fin à ma vie, expérimentant tout ce qui me passait par la tête. Il m'est arrivé de faire une TS par semaine : j'ai essayé l'électrocution, l'hémorragie, divers médicaments, la strangulation… J'ai essayé de provoquer des infections en enduisant mes plaies de toutes substances. J'ai cessé de manger… Je me disais qu'en multipliant les tentatives, j'augmentais les chances de réussite. Le suicide est devenu ma drogue et très étrangement mon unique raison de vivre.
La cause de cette obsession était toujours la même : la vie m'était insupportable, et le désir de mort désormais accessible, tapi dans mon cerveau depuis tant d'années, était devenu irrépressible.


Q : Vous dites la vie m’était insupportable, la vie ou la souffrance ?
La vie, pour moi synonyme de souffrance, est insupportable.


Q: Quand c'est un projet mûrement réfléchi, ce n'est en réalité qu'un jeu d'esprit qui ne mènera jamais à l'acte ou pas ?
J'ai généralement toujours bien préparé mes tentatives, même si le moment de les réaliser était parfois décidé sur un coup de tête. Pour ma première TS (médicaments), j'ai délibérément manipulé plusieurs psychiatres pour obtenir rapidement une grande quantité de médicaments. Chaque ordonnance était déposée dans une pharmacie différente, et je m'étais renseigné sur les quantités dangereuses. J'ai aussi fait le gué plusieurs jours pour trouver un accès à la rambarde de sécurité de la Grande Arche de La Défense, surveillant les rondes des vigiles…
En fait, je suis très méthodique. Lorsque je tombe sur une information utile et que je ne suis pas dans une période de passage à l'acte, je la stocke dans un coin pour le jour où je souhaiterai la mettre en œuvre. Le suicide est présent en permanence dans mon esprit, que la volonté d'agir y soit ou non. C'est le seul moyen pour moi de continuer : garder l'espoir que cela peut finir.


Q : Mais avec un tel désir de "perfectionnisme" dans la mort, pourquoi êtes-vous vivante aujourd'hui ? Vous vous dites cultivée, plutôt intelligente, réfléchie, mais vous êtes en fait totalement nulle ! :
Votre question me fait mal.
Oui, je suis totalement nulle. Je suis nulle parce que terrifiée par le handicap.
Je pourrais vous parler de Dominique, qui n'a plus de mâchoire et qui est aveugle depuis qu'il s'est tiré une balle dans la tête. Je pourrais vous parler d'Isabelle, en fauteuil roulant depuis qu'elle a sauté du 3ème étage. Elle ne savait pas que cette hauteur n'est pas toujours fatale.. Estelle qui ne marche plus sans béquilles depuis qu"elle a sauté du toit du pavillon familial… Et tant d'autres pour lesquels mon ventre se noue... Personne ne respecte leur handicap. Passer outre les interdits moraux et religieux entraîne forcément un "châtiment". "Ils" payent pour leur faute. "Ils" l'ont après tout bien mérité, pensent certains observateurs.


Connaissez -vous l'accueil que l'on fait aux suicidants dans les services d'urgence ? Les anesthésies que l'on vous refuse, les lavages d'estomac brutaux ? Le peu d'égard, le mépris, l'absence totale de compassion de la part des soignants alors que NOUS SOUFFRONS ? Ils sont persuadés qu'en nous traitant de la sorte ils nous redonneront l'envie de vivre. (Sourire amer)
Alors oui, je prends sans doute trop de précautions lors de mes tentatives. Je fais en sorte de pouvoir obtenir des soins rapides en cas d'échec. Et quelquefois, le sort veille sur moi... Le corps humain est une machine incroyablement résistante, bien plus solide que vous ne pouvez l'imaginer.
D'autres n'ont pas eu ma chance... les "ratés", les infirmes, les oubliés. Ils n'ont plus la parole, mais ils existent. Eux n'ont pas pris suffisamment de précautions...


Q: Avez -vous à ce moment là, au moment de l'acte ou presque acte, en tête la notion de fin de la vie définitive au moment de ce projet impulsif ? (ou pas)
Je sais que ma vie peut se terminer mais je laisse toujours une probabilité infime pour que la tentative échoue. Je ne peux passer à l'acte avec la certitude du résultat. Finalement, j'ai besoin de croire que c'est en partie le Destin qui va me tuer.
Je garde toujours en mémoire le court instant où j'ai sombré dans le coma après un cocktail de médicaments particulièrement dangereux. Je me suis sentie partir, mourir, avec certitude, et je ne peux vous communiquer le sentiment de sérénité et de soulagement qui m'a envahie.
Depuis, je regrette tous les jours d'avoir survécu et je maudis les médecins qui m'ont -difficilement- réanimée. Je me maudis d'avoir échoué tant de fois. Aujourd'hui je me suis réinsérée socialement et maîtrise la plupart de mes comportements pathologiques. Et même s'il n'est pas question pour moi actuellement de repasser à l'acte, je regrette chaque jour d'être encore en vie sans amélioration à l’horizon.


Q : Plus précisément sur le suicide, au moment où l'acte est quasi présent, le suicide apparaît comme LA solution ?
Bien sûr, et de toute façon quelle importance si c'est une erreur ? Je suis athée : pour moi, la mort est simplement la fin de la vie. Une fois morte, je n'aurai ni remords ni regrets.
De quel droit m'a-t-on empêché de mourir ? Je rêve d'une société où quiconque pourrait demander l'euthanasie. Je voudrais que l'on m'achève faute de me soigner correctement, au lieu de me laisser me débattre dans l'enfer qui m'entoure.


Q: Le suicide est-il là pour se donner la mort ou pour un autre but, exemple cesser de souffrir ?
La mort en soi n'est pas une fin, j'ignore ce qu'elle est. Mais la vie me demande trop d'efforts. La balance avantages/inconvénients n'est pas en sa faveur. J'ai 26 ans, et combien d'années encore à supporter cette souffrance intolérable et à garder la tête hors de l'eau ? Je suis à bout, je le suis depuis l'age de 10 ans. Je me bats, mais j'aimerai que cela cesse. Vraiment.

Q : J'ai le sentiment que si l'on se donne la mort de manière froide, réfléchie, planifiée, on interdit à son cerveau primitif de mettre en route ses mécanismes d'autodéfense, d'instinct de survie et donc on peut passer à l'acte. Mais par contre que si l'on est bien réveillé, pas sous alcool, médicaments ou drogue, si l'on tente un acte impulsif de suicide alors l'instinct de survie se met en route. Visiblement chez vous ce n'est pas le cas, qu'en pensez-vous ?
Les possibilités de déviations de l'esprit sont infinies. C'est ce que l'on appelle communément la folie…


Q: Si avec un traitement, l’on vous permet de guérir de ces comportements impulsifs, de ces émotions non contrôlées et donc des souffrances qu’elles engendrent, pensez-vous que ce désir de mort continuera de vous habiter ?
Non. Le désir de mort est simplement la conséquence d'un trop-plein de souffrance. Si mes perspectives d'avenir changent, et si j'arrive à entrevoir un début d'espoir, alors je mettrai toutes les forces qui me restent à guérir.

Epilogue.


J'ai beau savoir que tout cela est le fruit d'un esprit malade, je garde en moi cette possibilité (espoir) de faire cesser mes tourments. Il y a longtemps que j'attends le thérapeute qui m'apportera soin et compréhension. J'ai sillonné les hôpitaux psychiatriques, les cliniques et les cabinets privés. J'avais cessé de chercher … jusqu’à découvrir votre site

Avec l'aimable collaboration de A.



Pré-constat de l'AAPEL
La "morale" de l'histoire pourrait être que l'on doit être honnête avec les personnes qui souffrent de cette maladie mais faire attention aux mots que l'on prononce "sans faire attention".
A oui, ils sont insupportables, c'est vrai, mais il ne faut pas dire des phrases comme "qu'elle aille se pendre au moins on sera tranquille", car elle pourrait vraiment le faire !


Conclusion de l'AAPEL sur le Suicide
Ne nous leurrons pas, nous n’obligerons pas une personne souffrant d'un trouble borderline à vouloir ne pas mourir, de même que nous ne pourrons l’obliger à vouloir se soigner.
Tout juste pourrons-nous durant les crises tenter de mettre le maximum de bâtons dans leurs roues afin qu’elles ne réussissent pas leur acte.
Si sur le coup elles nous détestent de ne pas les avoir laissé faire, de ne pas les laisser dans leur état, on s’en moque !

Quand bien même elles ont le désir de mourir, nous avons, nous, le droit d'avoir le désir de les sauver.

Alors comment faire ?
Vous n’arriverez pas à me faire croire que se donner la mort est un acte positif !
Si des malades choisissent sciemment cette voie c’est bien en l’absence totale d’alternative (à leurs yeux).

Mais voilà, le trouble Borderline ne devrait absolument pas être concerné par le suicide !
Ce trouble n’est pas une maladie incurable sans espoir de mieux mais au contraire une maladie qui se traite efficacement. … Et croyez bien que le suicide ne fera plus parti de son quotidien !
On n’empêche pas les gens de mourir en le leur interdisant mais en leur donnant le désir de vivre.
Passons du "le meilleur moyen de me suicider" à "le meilleur moyen de vivre"

Données sur le suicide et le trouble borderline.


AAPEL
Merci de lire les pages:
Impulsivité et trouble borderline
 
Troubles impulsifs et borderline
 
Guérison


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Mise en garde:
Toutes les informations présentes sur ce site sont dans le but d'aider à comprendre une maladie pour le moins "particulière" et déroutante
Mais aussi et surtout à soutenir les personnes qui souffrent, malades ou pas. En tous les cas, il est INDISPENSABLE d'avoir recours à un médecin psychiatre et ou psychothérapeute spécialiste de la maladie pour confirmer ou infirmer un diagnostic
Quoiqu'il en soit le nom d'une maladie importe peu, ce qui compte, c'est d'appliquer le "bon" traitement à chaque malade

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Dernière mise à jour 2020
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